Le blog de Genma
Vous êtes ici : Accueil » Blog » Prise de notes de la conférence de Benjamin Bayart : Internet, démocratie, (...)

Prise de notes de la conférence de Benjamin Bayart : Internet, démocratie, dangers

D 21 novembre 2010     H 09:00     A Genma     C 1 messages   Logo Tipee

TAGS : Filtrage Install Party Compte-rendu Benjamin Bayart Présentation et conférences Les réflexions du Genma FDN

Si dessous, je voudrais vous faire part de notes de la dernière conférence de Benjamin Bayart à laquelle j’ai assistée. Pour ceux qui ne le connaissent pas, Benjamin Bayart est le fondateur du fournisseur d’accès à Internet FDN (French Data Network) et a été rendu célèbre part sa conférence le Mintel 2.0 au RMLL. J’ai pu assister à une présentation de cette conférence et depuis j’essaie d’assister à ces conférences. La dernière en date était lors de l’install party Ubuntu de novembre 2010 à Paris.

Voici donc mes notes rédigées… Au besoin, je mettrais quelques remarques intermédiaires. Pour voir les vidéos (en plusieurs parties) Youtube.com : vidéos des conférences

Benjamin_Bayart.jpg

--- Internet ---

Pour donner une définition d’Internet, on pourra dire que tout réseau qui est de type symétrique et à commutation par paquets est un réseau "Internet". Symétrique veut dire qu’en tout point de ce réseau, on émet et on reçoit indistinctement. Pour faire une analogie, on peut prendre le cas du réseau téléphonique. Ce réseau est bien symétrique, car on peut appeler et recevoir des appels. Dans le cas d’un ordinateur, c’est une réception de contenu mais également une proposition de contenu qu’il est possible de faire. Tout ordinateur du réseau peut-être client et serveur à son tour. Pour définir ce qu’est la commutation des paquets, il faut comprendre que l’on est dans le cas d’un réseau différent d’un réseau à commutation de circuit. On a une mise côté à côté de réseau bout de réseau virtuel, de l’appelant à la personne qui reçoit l’appel, avec des allocations locales de bandes passantes tout au long du trajet, pour constituer un tuyau virtuel qui permet de passer cet appel. Mais cette analogie s’arrête là car dans le cas du téléphone ou du minitel, on se connecte à un seul site à la fois. Symétrique veut aussi dire que l’on n’est pas dans le cadre d’une émission en brodcast, comme avec le câble ou le satellite, car dans ce cas, on a une émission vers de nombreux receveurs et on est donc dans le cadre d’un réseau différent.

Si l’on devait donner une définition d’un réseau en terme de description fonctionnelle, elle serait donc la suivante :
 essentiellement passif : le réseau transporte des données, il ne fait pas de priorisation et encore moins de filtrage ;
 acentré, local : Internet est un patchowrk de réseau interconnecté. En moyenne, 5,8 opérateurs et autant de réseaux différents lorsque l’on consulte un site Internet.
 résistant : ce n’est pas parce qu’une partie du réseau ne marche pas que le réseau ne marche pas. Il continue de marcher, avec cette partie en moins.
 simple : les machines sont stupides (ici les routeurs). Elles font des choses stupides, transmettent des paquets à la bonne adresse, mais le font bien ;

Sur un réseau, on trouve des Services :
 les DNS : répartis un peu partout sur Internet, si certains sont inaccessibles, on perd l’accès via le nom de domaine à certains sites, mais le réseau marche toujours.
 des services centralisés : Facebook, MSN. Si ce service tombe, plus rien ne marche. Il faut passer à autre chose. Si on coupe Internet en deux, il y aura une partie où il y a Facebook et une partie sans.
 des services a-centrés : mail, jabber. Si on coupe Internet en deux, on aura toujours ses mails, on aura toujours la discussion instantanée via Jabber. On perd une partie de ces contacts qui seront du mauvais côté, mais ils pourront continuer de parler entre eux et on peut toujours utiliser le service.

Note de Genma : La réflexion ne s’est pas étendue sur le problème des services centralisés, mais il est intéressant de creuser le sujet.

Benjamin Bayart est alors passé à la seconde partie de son exposé.

--- Démocratie : ce que produit Internet---

Il a alors fait une référence au darwinine et à une certaine théorie Laurent Chembla), que je n’ai pas saisie. A creuser.

L’Homme a fondée une société qui est basée sur la parole et cette société évolue. La parole est au coeur même de la structuration de la société et si on change la façon de communiquer, on change par conséquence la société. Les changements, c’est ce que l’on appelle une évolution. Petite parenthèse : Internet a été vendu au militaire comme un réseau qui résisterait à une guerre thermo-nucléaire ; on a donc obtenu un réseau anarchiste qui peut résister à n’importe quel gouvernement en place. Et en plus ils l’ont achetés…

L’Homme est la première espèce dont l’évolution passe par des changements dans la structure sociale, ces changements se faisant dans la génération. Tandis que l’évolution des animaux passe par la modification de leur ADN et et qu’une sélection naturelle sur 40 à 50 générations est nécessaire, l’Homme change dans la génération.

Dans notre société actuelle, une connexion à Internet est devenu une nécessité. Et sans, on est moins adapté à sa propre évolution. La communication définit l’être humain et structure la société dans laquelle il vit. Les effets du réseau sont nombreux. On change les sources d’informations, le mode et la façon de communiquer. La communication produite et consommée : ce n’est pas la même chose de lire que d’écrire. Avec Internet, on a un changement dans la diffusion du savoir : il n’y a qu’à comparer l’accessibilité à une encyclopédie complète chez soi (tous ces gros volumes, chers et pas forcément à jour) versus l’accès à Wikipedia. Internet change la structure de la société et a donc des impacts. C’est un changement digne de celui de l’invention de l’imprimerie. Avec l’imprimerie, on est passé de la structure sociale du moyen-âge au siècle des lumières et à l’ère moderne et industrielle. Avec Intenret, on passe à un nouvelle ère.

Le cycle de croissance de l’internautes

Benjamin Bayart a alors expliqué Le cycle de croissance de l’internautes. L’internaute passe par différents états qui sont les suivants :
 acheteur : l’acheteur revient avec sa box chez lui et a acheté Internet. Il utilisera le réseau pour acheter des billets de trains, des places de concerts, consulter des informations. C’est un minitel amélioré.
 kikoolol : l’Internaute découvre la possibilité d’échange par mail et se met à alors à envoyer à tout son carnet d’adresses des powerpoint, des vidéos sur youtube, des lolcat. Il découvre également l’accès au porno…
 lecteur : l’Internaute comprend qu’Internet est également une source d’information autre que la télévision. Il va voir d’autres sites que ceux des quotidiens et de la presse qu’il lit habituellement, il lit d’autres points de vue, d’autres publications et cela a pour conséquence un début d’ouverture d’esprit.
 râleur : l’Internaute voit qu’il peut commenter les articles qu’il lit de soit disant spécialiste et se met alors à les critiquer. Il est en mode trolleur, tout est nul, le journaliste n’y connait rien. Il débute son ajout de contenu, pas forcément utile.
 commentateur : à force de se se faire rembarrer et bloquer pour ses commentaires basiques, l’Internaute ajoute des arguments. Et quand on est un commentateur, que l’on présente des arguments dans des débats, on fait ce que l’on appelle de la Démocratie.
 auteur : le stade suivant est l’auteur. L’auteur accepte les erreurs, fait des commentaires de plus en plus long dans les débat et trouve qu’il pourrait être intéressant de centraliser tous ces commentaires. Il crée alors son blog.
 animateur : le stade au-dessus est alors de fédérer une communauté, en expliquant comment gérer son blog et en devenant une référence dans don domaine.
Remarque de Genma : Personnellement, je me sens au stade d’auteur, mais je connais des personnes aux différents stades de l’Internaute et je trouve ce cycle assez vrai..

Benjamin Bayart a alors rappelé l’existence de deux articles de la constitution des Droits de l’Homme française. L’Article 11 sur la liberté expression. Avant Internet, seuls les journalistes et la presse avait cette liberté d’expression et pouvait jouir de ce droit. Il n’y avait pas de possibilité autre. Avec Internet, la donne est changée. Il y a également un article NN qui permet de demander des comptes à l’administration (dans la gestion de son budget, ses activités etc.). Avant, on n’était informé que si la Presse dévoilait les affaires. Maintenant, avec le CROWD SOURCING, qui consiste à faire faire une tâche par la foule (une personne mettra des mois à lire des milliers de pages, mille personnes liront chacune quelques pages et ça ira beaucoup plus vite), on peut faire un épluchage de données publiques. Ce qui conduit à des données comme Opendata dont parle le site Regard citoyen (Note de Genma : Que je vous invite à voir pour comprendre le principe des Opendata. Un exemple d’application en politique est le site )

On a donc un effet sur la politique fort d’Internet. Et de ce fait, il y a une volonté des politiques de contrôler cette liberté d’expression. Car un peuple qui parle, ce n’est pas forcément bon pour eux… Avec Internet, on a une émergence future de nouvelles libertés. Si on regarde l’histoire, l’invention de l’imprimerie en 1445 et sa lente diffusion, permettant les impressions, a conduit à la Révolution française de 1789. En ce moment, avec Internet, crée en 1970, les choses vont beaucoup plus vites, et 40 ans après, en 2010, les choses changent… L’avenir nous dira comment cela va se passer…

Remarque du Genma. Benjamin Bayart a alors évoqué la notion de SMART GRID mais je n’ai pas tout saisi.

--- Dangers---

Tout support d’échange est substrat de culture. La culture, c’est un ensemble de référence commune partagée par un groupe d’être humain et leur permettant de communiquer. Ira-t-on encore voir un film si on ne peut pas parler dessus, donner son avis, son impression ? Et comme actuellement, en parler, c’est diffuser des images, des vidéos, du son… S’il n’y a plus d’échange possible, ce contenu n’a plus de valeur… on ne le consomme plus, on ne l’achète plus. Par conséquence, si l’industrie du divertissement gagne sa guerre, elle en sera sa principale victime…

Pour rappel, Internet est un réseau a-centré, redondant, résistant et sous-optimale. Un des plus grands dangers actuels est une volonté de nuir à la neutralité du réseau. Nous sommes des "eyeballs", des paires d’yeux qui ne voient qu’un contenu passant par les tuyaux du fournisseur d’accès (FAI), autrement dit, de leurs points de vue, du temps de cerveau disponible… Donner au FAI le droit de faire de la priorisation de flux en fonction d’accord commerciaux (le débit réseau est ralentit/accéléré selon le type de contenu : exemple d’une vidéo Youtube ne marche pas alors qu’une vidéo DailyMotion, si. Mais Youtube n’a pas payé le péage du FAI, DailyMotion, si), c’est un peu comme donner le droit au papier de décider de ce que j’imprime dessus. Le papier aurait alors le pouvoir de dire ce que l’encre dira ou pas. Un FAI est un support, un tuyau comme le papier est un support. L’encre ou le contenu qui circule dans les tuyaux sont de l’information et on ne doit pas agir dessus.

Le plus danger d’Internet, une atteinte à sa neutralité, a pour conséquence direct un impact sur la démocratie. Le filtrage d’Internet conduit en effet à disparition de contenu… En France, une opinion politique peut être illégale (contrairement aux USA) aux yeux de le loi. On ne peut pas tout dire en France. Mais ce n’est pas une raison pour porter atteinte à la neutralité du réseau. Il faut une séparation des pouvoirs exécutifs, législatifs et judiciaires pour avoir une Constitution. Si on l’exprime dans un cadre interdit par la loi, on est jugé. Mais on doit pouvoir le faire, en connaissance des conséquences. Sans neutralité, on n’a pas d’accès à l’Information et on n’est plus en démocratie.

Dans les lois actuels en cours de préparation/de vote et sur lesquels il est bon de se renseigner, on a :
 LOPPSI : qui, parmi tous ces articles, autorisera la mise en place du filtrage de sites et donc d’une censure par simple décision du Ministère de l’Intérieur, sans justification et sans fourniture de cette liste.
 ACTA : qui est une privatisation de toute connaissance, qui par essence devient alors privée. On y ajoute la responsabilité des intermédiaires : l’imprimeur ira en prison pour le contenu qu’il imprime pour un client, donc l’imprimeur censure de lui-même...
 DPI : Deep Packet Inspection. Un système de filtrage des paquets, une sorte de juge automatique privé.

Remarque de Genma : sur ces 3 sujets, je vous invite fortement à vous documenter et à lire mon Compte-rendu des conférences ACTA et LOPPSI).

Pour finir, il faut se rappeler que l’oeuvre appartient au public à partir du moment où elle est dévoilée, la rémunération ayant lieu en différé (ou pas). Car il s’agit là d’une transaction commerciale : on a les clefs de la maison même si on n’a pas payé la totalité du crédit. Donc quand on achète un cd, on en fait ce que l’on veut.

Remarque de Genma : ma prise de notes se finit ici. J’espère que ce compte-rendu vous sera utile et vous apportera des informations et des axes de réflexions. Que je ne peux que vous encourager à venir écouter Benjamin Bayart dans une conférence si vous en avez l’occasion.

LIENS

FDN (French Data Network)

Pour voir les vidéos (en plusieurs parties) Youtube.com : vidéos des conférences

A voir également, de Benjamin Bayart : Ce qu’Ubuntu peut pour sauver l’Internet (Vidéo + texte)

1 Messages

  • Hello !

    Je suis tombée sur ce billet de blog en recherchant les documents de la présentation de Benjamin Bayart, parce que sur les enregistrements de la 1ère et 2è conférence, on ne voit souvent strictement rien sur l’écran, alors pour suivre, c’est un peu difficile. Et comme je prévoyais de prendre des notes, je me suis dit "Chiche !" un autre a aussi pris des notes, donc, je garde le lien sous la main pour compléter les miennes.

    Je viens de finir de regarder les trois conférences de Benjamin Bayart. J’ai trouvé les deux premières excellentes, même s’il m’a fallu les regarder deux fois pour m’assurer de bien comprendre son propos. Par contre, sur celle-ci, la troisième, je pense qu’il y a un gros problème avec son analogie supposément évolutionniste, mais totalement tautologique, qui fausse une bonne partie de son raisonnement et affaiblit énormément son analyse des enjeux sociétaux et politiques d’Internet.

    Quand il dit que "la fonction crée l’organe", il ne fait pas de l’évolutionnisme, du moins pas tel qu’il est compris et admis aujourd’hui par les scientifiques, mais du Lamarckisme. Or, si les hypothèses de Lamarck pouvaient se justifier à son époque, en fonction des connaissances et des outils dont il disposait, aujourd’hui, il n’en reste plus rien. Même l’épigénétique ne peut pas vraiment être considérée comme une résurgence du lamarckisme, puisqu’il se focalise sur cette idée que l’évolution des organismes se fait en fonction de leurs besoins et de leurs usages. Or l’épigénétique ne dit pas du tout cela. Lamarck se positionnait encore dans une vision tautologique de l’histoire du vivant, avec cette idée que les espèces évoluent selon un programme divin, vers toujours plus de complexité et de perfection, l’homme représentant alors le pinacle de la création. Il pensait ainsi qu’un organe se développait en fonction des besoins et régressait s’il n’était plus utile. Darwin prend exactement le contre-pied de Lamarck en estimant que c’est plutôt l’organe qui crée la fonction, et plus exactement, l’organe se développe en fonction de sa confrontation avec son environnement biologique et minéral. Il peut se révéler utile pour une activité....ou pas. On peut donc avoir des organes parfaitement inutiles ou sans fonction particulière, sans qu’ils disparaissent au cours de l’histoire de l’espèce. C’est notamment le cas de l’appendice, des dents de sagesse et des prémolaires chez l’homme. Ce n’est pas la fonction ou l’utilité qui compte pour la perpétuation d’un trait. Ce qui compte, c’est qu’il ne représente pas un handicap pour l’adaptation de l’organisme à son environnement. Ou si c’est le cas, il faut qu’un autre facteur vienne compenser ce handicap. Dans le Lamarckisme, tout ce qui ne semble pas fonctionner devient alors une anomalie ou une erreur de la nature. Pas dans le Darwinisme et la théorie actuelle de l’évolution. Pour Darwin, il n’y a pas de direction dans l’évolution et l’homme est un animal parmi d’autres. Il n’y a pas de but particulier à son existence, pas plus qu’il n’y a de but particulier à l’existence de ses organes. Ils sont là et agencés de la sortes parce qu’ils ont permis à l’homme de survivre à son environnement et ont donc pu se perpétuer ainsi dans cet agencement. Ce sont des rescapés de la sélection naturelle.

    Quand Bayart affirme que la parole est venue à l’homme parce qu’il en avait besoin pour communiquer, il fait du pur lamarckisme, mais ce n’est pas du tout ainsi que les paléontologues et les anthropologues comprennent l’histoire de l’évolution humaine. La parole est arrivée par hasard à l’homme et il a su s’en servir d’une manière qui l’avantageait, ce qui a fait que la parole s’est transmise aux générations suivantes. Quand il nous explique qu’Internet représente une nouvelle étape dans l’évolution de l’espèce humaine parce qu’il répond à un besoin essentiel (tisser des liens), il transpose du lamarckisme à l’histoire culturelle humaine, et ça ne peut évidemment pas marcher. De un, parce que comme on l’a vu, Lamarck est totalement dépassé, et de deux, parce qu’il confond évolution et innovation. Mais, c’est normal, puisque l’innovation répond effectivement à un besoin, conscient et identifié, et qu’il pense que le besoin (dont découle la fonction) est le moteur de l’évolution des espèces. Or contrairement à la parole, Internet n’est pas un caractère héréditaire, acquis ou inné. C’est une production du cerveau humain, qui peut parfaitement disparaître, si on devait s’amuser à détruire tous les ordinateurs du monde (ou par exemple, légèrement peu plus plausible, si on devait ne plus avoir d’énergie électrique du tout....ou alors, il faudrait faire courir des milliards de hamsters comme des fous dans des roues liées à des génératrices ? Ça ne me paraît pas très vraisemblable...).

    L’autre problème est que l’innovation ne se fait pas en ligne droite, avec une cause unique qui ne peut avoir qu’une seule conséquence, laquelle serait alors inévitable. En ce sens, il montre son manque de maîtrise non seulement de la sociologie, mais aussi de l’histoire. Il fait bien de dire qu’il est avant tout informaticien, mais je pense qu’il aurait dû faire relire sa présentation par un historien de l’innovation technologique ou au moins un sociologue des usages des technologies. Parce qu’il a dit plusieurs choses complètement fausses, notamment sur le contexte d’émergence de l’imprimerie à fontes mobiles de Gutenberg, mais aussi sur l’arrivée de l’écriture (à l’origine, il ne s’agissait pas de "mieux se souvenir" de connaissances, mais uniquement de transmettre des preuves de paiement ou des reconnaissances de dettes entre individus ayant des échanges économiques, donc, essentiellement du chiffre et des marchandises et au départ, l’écriture, c’était du dessin...) et surtout sur le Moyen-Âge, au cours duquel les connaissances auraient stagné, avant de recommencer à se multiplier à la Renaissance, ce qui aurait rendu l’invention de Gutenberg nécessaire. Une simple consultation de Wikipédia lui aurait indiqué que les premiers ouvrages imprimés par Gutenberg étaient des indulgences papales, des grammaires latines et....la Bible. Pas exactement de nouvelles connaissances donc. Et une simple consultation de la même encyclopédie lui aurait montré que cette idée d’un âge obscur et barbare qu’aurait été le Moyen-Âge est un gros préjugé complètement faux hérité des manuels scolaires du 19ème siècle....

    De la même manière, son explication sur les causes de l’avènement d’Internet ne tiennent pas exactement la route. Il se contredit même, puisqu’il sait très bien que ce qui motivait les militaires à l’origine des projets qui ont donné naissance à Internet, ce n’était pas la mise à disposition toujours plus rapide et diffuse de la connaissance, mais la protection de leurs centres stratégiques de défense militaire. Il avait donc sous les yeux le contexte d’émergence d’Internet. Je ne sais pas pourquoi il nous raconte que c’est peut-être le Libre, au-travers de l’idéal de l’Open Society, qui aurait donné naissance à Internet ou le contraire. Ce n’est ni l’un, ni l’autre, puisque l’idéal de l’Open Society a été exprimé plus de 20 ans avant les projets militaires américains et donc bien avant même l’émergence des logiciels libres.

    Enfin, il n’y a rien qui permette de dire que l’avènement d’Internet était inévitable. C’est une pure tautologie, et un biais du survivant. Parce que les cimetières d’innovations technologiques qui n’ont jamais dépassé le stade du prototype sont pleins à craquer. Et c’est bien parce que rien n’est absolument inévitable qu’il est lui-même incapable de prédire ce que deviendra Internet dans le futur. Donc, oui, il aurait été possible qu’Internet n’advienne pas.

    En conclusion, il affirme beaucoup de choses dans cette conférence qui reposent essentiellement sur des analogies bancales et des raisonnements circulaires. C’est dommage, parce que j’ai vraiment beaucoup apprécié ses deux premières conférences au cours desquelles j’ai appris plein de chose. Mais, je pense que, dans le futur, s’il veut parler des enjeux sociétaux et politiques d’Internet, il devrait travailler avec des sociologues et des historiens, à moins qu’il décide de se lancer dans une recherche plus approfondie de ces sujets en plongeant un peu dans quelques bons bouquins de référence. Mais, je pense que ce serait aussi intéressant de travailler avec des personnes d’autres disciplines.